Bilan 2015 : Le consommateur québécois face à une austérité imposée

Montréal – 21 décembre 2015 – L’an dernier à cette date, nous nous désolions de constater que le climat s’était assombri au Québec depuis l’arrivée au pouvoir du Parti libéral, dont les politiques d’austérité plombaient les finances personnelles des ménages québécois. Cette année qui vient de passer n’a fait que confirmer que l’application aveugle de mesures qui relèvent d’un parti pris idéologique a pour effet premier de creuser l’écart entre les mieux et les moins bien nantis et de fragiliser le filet social que les Québécois avaient choisi de se donner. Mais le gouvernement du Québec maintient obstinément le cap, malgré la grogne ambiante, et malgré le fait que des prix Nobel d’économie et même le Fonds monétaire international émettent des mises en garde contre cette approche doctrinaire, qu’ils déclarent inefficace et dangereuse, tant au plan économique qu’au plan social.

Sous prétexte de remettre de l’ordre dans les finances publiques, le gouvernement Couillard a procédé à plusieurs coupures qui ont des répercussions directes sur les services publics, augmenté des tarifs ou permis, quand il ne l’imposait pas directement, l’augmentation de frais, de tarifs et de taxes. On explique que les Québécois n’ont plus les moyens, mais on augmente par ailleurs leurs charges dès que l’occasion se présente. En s’assurant toutefois de se rapprocher tant que faire se peut du principe utilisateur-payeur. Pourtant, malgré l’absence de ressources alléguée, le gouvernement se permet de fermer les yeux sur des millions octroyés en trop aux médecins, déniche un milliard qui lui permettra de voler au secours de Bombardier, augmentera les salaires des élus, etc.

Le Parti libéral a lancé cette année les démarches pour une réforme de la fiscalité québécoise. Pour tracer la voie, il a commandé des rapports à de soi-disant experts aux idées bien arrêtées et bien connues, des chantres de la tarification et de la taxation. On démontre chiffres à l’appui qu’une approche régressive serait économiquement plus avantageuse… ignorant toutefois dans les savants calculs les coûts sociaux qui minent mortellement une telle approche. Le message est clair : les systèmes publics de santé et d’éducation doivent être mis en pièces. Le principe « utilisateur-payeur » doit primer. À titre d’exemple : le projet de Loi 20, ironiquement nommé « Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille », autorise la tarification des frais accessoires en santé, tarification qui est à ce jour illégale et en contravention aux principes de gratuité et d’accessibilité en vigueur. Favoriser l’accès? Des études récentes démontrent plutôt que l’augmentation de la rémunération des médecins a eu pour effet une diminution des services.

L’universalité de l’accès a encore été mise à rude épreuve avec la hausse des tarifs de garderies et celle des frais liés aux études primaires et secondaires. En imposant d’importantes compressions au système public d’éducation, qui ne devaient bien sûr entraîner aucun impact pour la population, le gouvernement transfère aux parents et aux commissions scolaires, qui tentent tant bien que mal d’équilibrer leur budget, la responsabilité des hausses de frais sur les factures scolaires et de l’abolition de nombreux services essentiels aux étudiants.

Nous le répétons depuis longtemps : les services publics ne doivent pas être considérés ou traités comme de la marchandise ou comme des services commerciaux, et se voir appliquer une logique comptable simpliste. Les citoyens ne doivent pas être traités en « consommateurs » de services d’éducation publics ou des soins en santé.

En refusant d’examiner les solutions fiscales qui sont proposées par la société civile (note 1), le présent gouvernement fait preuve d’une arrogance inacceptable. Le fait d’ignorer des mesures qui pourraient rapporter jusqu’à 10 milliards par année à l’État québécois, tout en garantissant le maintien des services publics et du filet social relève de l’aveuglement volontaire. L’exemple de la proposition d’instauration d’un régime entièrement public d’assurance-médicaments est probant : cette mesure pourrait être réalisée à coût nul, elle réglerait les problèmes du régime hybride actuel qui sont dénoncés tant par de nombreux chercheurs que par le Commissaire à la santé et au bien-être du Québec, et elle entraînerait en outre pour le gouvernement des économies de 1 à 3 milliards par année en plus de réduire la facture de médicaments de nombreux citoyens.

Le budget des consommateurs québécois mis à mal

À cette augmentation des coûts et des tarifs et à cette diminution des services publics s’ajoute l’augmentation des autres dépenses que doivent engager les consommateurs pour les biens et services essentiels.

À commencer par la facture d’électricité. Suite aux manœuvres des gouvernements successifs qui voient Hydro-Québec comme une véritable vache à lait, les abonnés ont dû accuser ces dernières années des hausses de tarifs successives qui dépassaient de loin l’inflation. Une facture qui augmentera encore vraisemblablement cette année, non pas pour compenser une augmentation des coûts, qui, au contraire, sont à la baisse, mais pour favoriser cette fois les clients industriels.

Pendant ce temps, HQ fracasse de tristes records : le nombre de consommateurs qui ont dû conclure des ententes de paiement est passé à 330 000, soit une hausse de 15 % sur 2014. Le nombre de débranchements est lui aussi en hausse constante, année après année. Et avant d’en arriver là, les consommateurs qui ont du mal à payer doivent assumer des frais de retard fixés à un coquet 14,4 %. Le montant des mauvaises créances a progressé de 45 % en cinq ans; plus de 600 000 personnes ont des difficultés liées au paiement de la facture d’électricité (soit un nombre comparable au nombre d’habitants de la ville de Québec). Était-ce bien le but visé par la nationalisation?

Les services de télécommunication, qui incluent la téléphonie mobile, Internet, etc., sont aujourd’hui des services essentiels. Or, les prix de ces services au Canada sont de loin plus élevés que ceux qui sont la norme dans les autres pays industrialisés, et ce, pour des services souvent beaucoup moins avantageux. Le CRTC, qui a les mains liées par les instructions reçues par le gouvernement précédent, devrait retrouver le droit d’intervenir en vue de faciliter l’accessibilité à ces services. Déjà, le CRTC montre des dispositions favorables envers une meilleure protection du consommateur : il étudie présentement la possibilité d’élargir le mandat du CPRST (le Commissariat aux plaintes relatives aux services de télécommunications) afin de lui permettre d’appliquer en matière de télédiffusion un Code qui pourrait ressembler à celui qui a été mis en place pour encadrer les services sans fil. Un Code qui devrait d’ailleurs être révisé incessamment; nous travaillerons à y faire inclure des protections encore plus étendues pour les consommateurs.

Les coûts ont aussi explosé pour l’alimentation et pour le logement. Le prix des aliments, par exemple, a augmenté en moyenne de 4,1 %, alors que les salaires moyens n’ont augmenté que de 2,4 %. Il faut évidemment s’attendre à subir le contrecoup de la chute du dollar canadien, qui provoquera une hausse du prix des produits importés.

Cet écart entre la hausse des revenus et celle des dépenses essentielles explique en partie l’endettement des ménages de la classe moyenne et à revenus modestes  et leur difficulté à y trouver des solutions (note 2). Le ratio de la dette des ménages canadiens continue son ascension, qui dépasse bien sûr les niveaux d’augmentation des revenus. Cet endettement est devenu une préoccupation majeure sur laquelle nos gouvernements tardent malgré tout à agir, en dépit des signaux d’alarme; ils semblent entre-temps convaincus qu’une meilleure éducation financière réglera par magie tous les problèmes financiers et budgétaires des consommateurs.

Le gouvernement provincial a de son côté remis en branle le chantier de consultations en vue d’apporter à la Loi sur la protection du consommateur des modifications touchant les contrats de crédit. Alors que le projet visait à l’origine à lutter contre le surendettement, les intentions avouées semblent aujourd’hui, malheureusement, plus modestes. Il nous faudra tenter de convaincre les décideurs qu’une intervention plus musclée s’impose.

Des associations au cœur des luttes

Union des consommateurs et ses membres maintiendront sur le terrain une présence qui semble de plus en plus essentielle pour que les consommateurs aient une voix qui prône des valeurs de solidarité, d’équité et de justice sociale, et qui puisse se faire entendre sur toutes les tribunes ainsi qu’auprès des décideurs.

Les Associations coopératives d’économie familiale (ACEF) du Québec fêteront d’ailleurs, en 2016, leur 50e anniversaire. Un demi-siècle d’expérience pour les conseillers budgétaires, à rencontrer les consommateurs pour répondre à leurs questions sur les enjeux de consommation (endettement, factures, budget, etc.) et à lutter pour l’avancement des droits des consommateurs. Nous ne manquerons pas de souligner l’événement, et de souligner aussi les difficultés financières auxquelles doivent faire face les organismes de défense collective des droits, dont les organismes de défense des droits des consommateurs, bien déterminés à rester au cœur des luttes pour assurer une meilleure justice sociale et assurer un partage équitable des richesses, mais déterminés aussi à assurer leur reconnaissance et leur soutien par l’État.

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note 1 : http://nonauxhausses.org/outils/alternatives-fiscales-justes-et-equitables-pour-les-finances-publiques/

note 2 : Afin d’aider les consommateurs, les associations de consommateurs du Québec se sont unies cette année mettre sur pied le portail Tout bien calculé, qui présente une information objective sur les finances personnelles.