Les accords internationaux constituent certainement l’un des grands enjeux actuels de la gouvernance mondiale et de la démocratie. Pour favoriser le commerce, les gouvernements laissent des pans entiers de leur souveraineté entre les mains d’accords commerciaux qui régiront désormais certaines politiques en fonction des intérêts des entreprises et du marché. Que l’on soit pour ou contre, le minimum est d’exiger le respect de la démocratie. Or, les négociations de tels accords se font souvent derrière des portes closes.
Ainsi, il nous semble inacceptable que l’Accord économique et commercial Canada-Union européenne (AECG), en cours de négociation, se discute dans le secret, sans partage d’information ni consultation avec la population. Cela ne peut que susciter la méfiance sur ce qui se trame en coulisses. Notons que la Commission européenne organise, elle, des rencontres régulières avec différents acteurs de la société civile . Ne serons-nous informés que lorsque les négociations seront terminées et scellées?
L’AECG aura pourtant des impacts majeurs sur nos vies. Pour s’en convaincre, voici trois exemples de sujets qui seraient actuellement sur la table des discussions:
Premièrement, le fait que les pharmaceutiques demandent des clauses autorisant le renforcement de la protection des brevets sur les médicaments, avec pour conséquences de retarder la mise en marché de leurs versions génériques et d’entraîner des coûts supplémentaires pour les régimes d’assurance médicaments public et privés du Québec, estimés à 773 millions de dollars par l’Association canadienne du médicament générique. Est-il utile de rappeler qu’actuellement, le Canada occupe le deuxième rang pour les médicaments les plus chers au monde (devancé seulement par les États-Unis)?
Deuxièmement, il semble que l’Union européenne insiste beaucoup pour l’inclusion de clauses permettant le commerce de ce qui a trait à la production, au transport ou à la distribution d’eau potable. Quand on voit ce que la privatisation de l’eau a donné dans de nombreux pays (coûts sans cesse croissants imposés aux citoyens, infrastructures mal entretenues, etc.), il y a de quoi s’inquiéter.
Troisièmement, pour la première fois, un accord commercial inclurait les marchés publics des provinces et des municipalités. C’est donc dire qu’une petite municipalité devrait dorénavant ouvrir ses appels d’offres aux multinationales européennes. Mais le pire, c’est qu’il serait interdit à cette municipalité d’inclure dans ses appels d’offres des clauses permettant, par exemple, de promouvoir l’achat local, le transfert de technologies ou la formation de travailleurs locaux. Les provinces et les municipalités seraient donc contraintes de renoncer à une part importante de leurs pouvoirs, notamment celui d’établir des conditions favorisant le développement économique régional.
En somme, à première vue et sans que nous ayons toutes les informations sur le sujet, nous sommes tentés de conclure que l’AECG en cours de négociation vise davantage à donner les coudées franches aux multinationales et autres investisseurs, au détriment du pouvoir décisionnel de nos gouvernements fédéraux, provinciaux et municipaux. Si cela n’est pas le cas, que le négociateur en chef pour le Québec, M. Pierre-Marc Johnson, nous éclaire. D’urgence.
Élisabeth Gibeau
analyste politiques sociales et fiscales
Union des consommateurs
14 février 2011
Étonnant: lettre du ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec, Clément Gignac, au ministre fédéral du Commerce international, Peter Van Loan, le priant, dans le cadre des négociations en cours, d’étendre les privilèges de propriété intellectuelle accordés aux compagnies pharmaceutiques…