Journée internationale des télécommunications

Le 17 mai marque la journée internationale des télécommunications. En cette journée, Union des consommateurs ne fera pas l’éloge des services de téléphonie ou d’accès Internet ; leur grande utilité pour la société est déjà amplement démontrée.  Nous traiterons plutôt des barrières à l’accès aux télécommunications qui demeurent encore bien présentes au pays et qui, elles, sont trop souvent oubliées. En 2022, un trop grand nombre de consommateurs d’ici peinent encore à accéder à des services de télécommunications sécuritaires, abordables et de qualité. Et ce, même si ces services sont considérés comme essentiels et que nos gouvernements doivent y assurer l’accès.

On apprenait récemment, dans le cadre de l’étude des crédits à l’Assemblée nationale du Québec, que 190 000 foyers québécois ne sont toujours pas connectés à Internet haute vitesse. Les communautés rurales, nordiques ou autochtones sont particulièrement affectées. En conséquence, leur développement est ralenti et les services dont peuvent profiter leurs résidents sont limités.

Mais les problèmes d’accès ne se limitent pas à la disponibilité des réseaux ou d’autres infrastructures sur le territoire. Encore faut-il, pour y avoir accès, être en mesure de payer les services offerts. Et le Canada fait piètre figure à cet égard; les prix des services de télécommunications au pays figurent année après année parmi les plus élevés au monde. Plus du tiers des ménages dont le revenu est inférieur à 33 000 $ ne peuvent se payer un abonnement Internet à la maison[i]. Ceux qui y arrivent consacrent jusqu’à 10 % de leurs revenus au paiement de leurs services de communication, et doivent parfois se priver de médicaments, de nourriture ou d’autres articles de première nécessité pour ce faire[ii], alors même que les grands fournisseurs croulent sous les profits. Dans les dernières semaines, ces derniers annonçaient d’ailleurs des profits en forte hausse pour le début de l’année : 36 % d’augmentation chez Bell, 21 % chez Telus et 9 % chez Rogers[iii]! À eux seuls, ces trois fournisseurs accaparent plus de la moitié des revenus des services Internet et pas moins de 89 % des revenus des services sans fil[iv]. Les consommateurs sont les grands perdants de ce manque flagrant de concurrence au pays. Et les Canadiens qui sont en situation de vulnérabilité économique et sociale sont de loin les plus affectés par ces inégalités numériques[v], ce qui contribue alors encore davantage à leur marginalisation.

Que font les gouvernements dans tout ça? Trop peu. Beaucoup trop peu.

Malgré de multiples promesses et annonces d’investissements massifs, les projets de déploiement d’Internet haute vitesse tardent à être complétés et l’octroi dudit financement traîne. Pour ce qui est de l’abordabilité des services, les démarches du gouvernement sont minimes, ce qui semble signaler un manque criant de volonté de changer les choses. Le gouvernement fédéral et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) refusent de tenir tête aux grands fournisseurs et à leur puissant lobby. Au lieu de mettre en place des politiques susceptibles de changer réellement le marché et d’y insuffler enfin une concurrence qui servirait les consommateurs, on opte pour l’adoption de programmes à la pièce dont la portée demeure limitée et qui n’incitent nullement les fournisseurs à repenser leurs prix démesurément élevés. Le programme Familles branchées, par exemple, permet effectivement à certains ménages à faible revenu de profiter d’un service Internet à un prix raisonnable, ce qui est on ne peut plus souhaitable, mais ses critères d’admissibilité excluent énormément d’autres consommateurs qui en auraient tout autant besoin. Pour ces derniers, rien n’est fait. Et rien ne change ou ne changera à moins d’une réelle volonté des décideurs.

La Politique canadienne de télécommunication, censée refléter l’approche canadienne en la matière, affirme que tous doivent avoir accès à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité. En 2022, il est grand temps que cette ambition passe du rêve à la réalité.

 

[i] CRTC. Rapport de surveillance des communications 2019, https://crtc.gc.ca/pubs/cmr2019-fr.pdf
[ii] Public Interest Advocacy Centre, Y a-t-il un problème d’abordabilité des communications au Canada?, 2016, http://www.piac.ca/wp-content/uploads/2016/09/PIAC-No-Consumer-Left-Behind-Part-II-FIN_FR.pdf
[iii] BCE profit jumps 36%, revenue climbs as results top pre-COVID-19 levels, Globe and Mail, 5 mai 2022, https://www.theglobeandmail.com/business/article-bell-canada-bce-profits-revenue-wireless-internet-customers ; Telus profit jumps 21% as revenue rises, number of new wireless customers grows, Globe and Mail, 6 mai 2022, https://www.theglobeandmail.com/business/article-telus-profit-jumps-21-as-revenue-rises-number-of-new-wireless/ ; Rogers posts 9 per cent increase in profit as economy improves, number of wireless customers rises, Globe and Mail, 20 avril 2022, https://www.theglobeandmail.com/business/article-rogers-posts-profit-revenue-gains-as-economy-improves-number-of/
[iv] CRTC. Faits saillants annuels du secteur des télécommunications 2020, https://crtc.gc.ca/pubs/cmr_telecom_2021-fr.pdf ; GMICP. Media and Internet Concentration in Canada, 1984–2020, http://www.cmcrp.org/wp-content/uploads/2021/12/GMICP-Concentration-Report-Canada-2021-17122021.pdf#
[v] Institut national de santé publique du Québec. Inégalités d’accès et d’usage des technologies numériques : un déterminant préoccupant pour la santé de la population?, 2021, https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/3148-inegalites-acces-usage-technologies-numeriques.pdf#