L’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) a publié, le 20 mars, le rapport de son examen des pratiques de vente au détail des banques canadiennes. Sans surprise, elle constate notamment que la culture des services bancaires de détail, qui incite les employés à vendre ou à suggérer des produits et des services en les récompensant selon les résultats obtenus, pourrait présenter des risques pour les consommateurs. Nous aimerions pouvoir nous réjouir du fait que l’AFCF reconnaisse enfin les mauvaises pratiques des banques et souligne l’insuffisance du contrôle, de la surveillance, de l’identification et de l’atténuation des risques des pratiques de vente abusive. Nous aimerions croire que ces constats ont sonné l’alarme et que des mesures réglementaires fermes seront mises en place pour encadrer les pratiques des institutions financières en les responsabilisant. Or, un silence lourd et gênant plane autour de ce rapport depuis sa parution.
Du fait que les banques sont insuffisamment encadrées par la loi, leur culture crée les problèmes que les associations de consommateurs ne connaissent que trop bien. L’impératif de profitabilité des institutions financières, additionné au déséquilibre des forces entre elles et les consommateurs exposent ces derniers à certains risques comme de se faire conseiller des produits non-adéquats ou non-nécessaires et qui peuvent entraîner des risques à long terme. Sans compter que les conseillers et autres représentants disposent d’un pouvoir d’influence indéniable sur les consommateurs qui les consultent : c’est parce qu’ils sont dans le milieu, qu’ils sont, jusqu’à un certain point, les spécialistes que les consommateurs s’adressent à eux. Le degré de confiance qu’ils accordent aux représentants des institutions financières place immanquablement leurs clients dans une position de vulnérabilité.
Les associations de consommateurs rencontrent quotidiennement des personnes en situation de surendettement, qui se sont fait accorder des prêts hypothécaires, des marges de crédit ou des cartes de crédit dont la limite dépasse leur capacité de remboursement. « C’est frustrant de rencontrer des personnes avec des difficultés budgétaires à qui une institution financière a accordé du crédit trop facilement, sans prendre la peine d’évaluer correctement leur capacité de rembourser et de s’assurer que la personne comprend les différences entre une carte de crédit et une carte débit. », indique Cathy Simard, conseillère budgétaire à l’ACEF de Laval.
Par ailleurs, la réaction de l’Association des banquiers canadiens à ce rapport, bien que peu étonnante, n’est pas rassurante. Elle en retient uniquement que les banques agissent adéquatement dans l’ensemble. Nous comprenons donc que les banques continueront de faire des profits énormes en maintenant ces pratiques qu’elles jugent adéquates. Pour y remédier, l’ACFC se convainc d’avoir trouvé la solution miracle en « recommandant » simplement aux banques de prendre quelques mesures telles qu’ « accorder la priorité à la protection des consommateurs de produits et de services financiers, à l’équité et à la pertinence des produits ». Il faut, à notre avis, être très naïf pour croire que de simples recommandations feront changer la nature des pratiques des institutions financières. Il ne fait absolument aucun doute que les institutions financières n’agiront jamais d’elles-mêmes de manière à assurer une protection adéquate des droits des consommateurs. L’adoption de dispositions législatives visant la protection des consommateurs, incluant des sanctions sévères, doit donc impérativement signaler une nouvelle priorité pour le Gouvernement canadien et servir de tremplin pour des actions concrètes et efficaces.
Une autre solution simpliste proposée par l’ACFC, pour pallier les problèmes les plus criants exposés dans son rapport, est d’augmenter la littératie financière des consommateurs. Si l’éducation financière présente des avantages évidents pour ce qui est de la responsabilisation des consommateurs et du développement de leur capacité de faire des choix plus éclairés, le fait de croire que l’augmentation du niveau de littératie parviendra à établir l’équilibre entre les consommateurs et l’industrie relève au mieux de l’utopie, et au pire du dogmatisme. Un code de protection des consommateurs bien conçu et un organisme de surveillance bien armé, voilà ce dont les consommateurs ont réellement besoin pour être mieux protégés.
Le rapport, bien qu’il modère bien souvent ses constats, met en évidence des problèmes qu’il est urgent d’aborder. Le ministre des Finances va-t-il enfin réagir à ce rapport et prendre les dispositions nécessaires ? Ce milieu doit être mieux encadré et il est temps de penser à l’élaboration de politiques qui protègent réellement les consommateurs des abus des institutions financières. Elles doivent être encadrées de manière à ce que tout conseil donné, tout produit offert, sans exception, soient ceux qui vont dans le meilleur intérêt du consommateur.