Le domaine des assurances en est un des plus complexes. C’est pourquoi il importe que le domaine soit bien encadré et que les risques auxquels sont exposés les consommateurs soient réduits au minimum. Le projet de loi 141 défendu par le ministre Leitão menace au contraire de faire disparaître des protections importantes. Union des consommateurs partage les préoccupations exprimées par de nombreux acteurs à ce sujet au cours des derniers mois, notamment par Option consommateur et la Coalition des associations de consommateurs.
Parmi les propositions du ministre des Finances, qui visent à moderniser l‘encadrement du secteur financier, certains posent des problèmes majeurs et signalent même une diminution considérable des protections actuellement offertes aux consommateurs. Notamment : l’allègement des obligations et responsabilités liées aux conseils lors de l’offre ou de la souscription d’assurance, l’abolition de deux organismes de surveillance, et la levée de l’interdiction de vente d’assurances de frais funéraires. Ce ne sont là que certains des problèmes qui sautent aux yeux au simple survol de cet imposant projet de loi.
Conseils au consommateur en matière d’assurance
Actuellement, seuls les représentants certifiés, qui ont une formation adéquate et sont soumis à un organisme de surveillance qui veille à l’application d’un code de déontologie, sont autorisés à offrir des conseils en matière d’assurance. Le représentant certifié doit conseiller au consommateur le produit d’assurance qui lui convient le mieux, et il doit éviter les conflits d’intérêts.
Le projet de loi entend lever cette restriction. Il propose plutôt ce qui suit :
- Les conseils au consommateur ne seraient plus réservés aux représentants certifiés. Toute personne physique pourrait conseiller le consommateur, sans que ces conseils ou la personne qui les donne ne soient encadrés;
- L’obligation de conseil serait allégée, de même que les responsabilités de ceux qui offrent des conseils;
- La vente de produits d’assurance en ligne serait élargie, en ce qui a trait aux produits offerts, et le processus pourrait être totalement automatisé, privant ainsi le souscripteur de la possibilité d’obtenir de l’aide ou des conseils d’un représentant certifié.
Concrètement
Le manque d’information et de conseils dans un domaine si complexe peut entraîner de graves conséquences pour le consommateur. Un consommateur sur-assuré, par exemple, paiera inutilement des assurances dont il n’a pas besoin. Le consommateur sous-assuré découvrira, au moment d’une réclamation, que son assurance ne couvrait pas, ou pas suffisamment, ce qu’il croyait.
Aussi, en vertu de la loi, le consommateur a l’obligation de donner à l’assureur toute l’information dont ce dernier pourra avoir besoin, et ce, même si l’assureur ne la demande pas explicitement. Le défaut d’avoir déclaré certaines choses, même par ignorance, pourra faire en sorte que le consommateur qui aurait payé ses primes pendant plusieurs années, se verra refuser sa réclamation. L’intervention d’un représentant certifié limitait ce risque.
L’encadrement des assureurs
Les assureurs sont actuellement soumis à l’autorité de deux organismes d’autoréglementation : la Chambre de l’assurance de dommages et la Chambre de la sécurité financière. Ces dernières, qui agissent à la manière d’ordres professionnels, veillent à la surveillance du secteur, à la formation adéquate des représentants, au respect d’un code de déontologie, etc.
Le projet de loi – sans autre justification qu’un allègement des règles demandé par l’industrie, allègement dont rien n’a par ailleurs démontré la nécessité – propose l’abolition de ces organismes. L’Autorité des marchés financiers, qui veille principalement à s’assurer de la stabilité financière de ceux qui vendent des produits et des services financiers, se verrait désormais confier certaines de ces responsabilités de surveillance.
Le modèle québécois ayant fait ses preuves, nous ne voyons aucune raison valable de l’abolir sans que soient d’abord identifiés des problèmes qu’il importerait de régler et des solutions réalistes à ces problèmes.
Les recours des consommateurs
En cas de différend entre le consommateur et l’assureur, le projet de loi propose un mécanisme de médiation qui serait administré par l’Autorité des marchés financiers, les frais étant partagés également entre le consommateur et l’assureur. Une telle proposition semble mal avisée à bien des égards.
Concrètement
De prime abord, la disproportion des moyens entre le consommateur et les entreprises auxquelles il sera opposé creuse un sérieux déséquilibre des ressources entre les parties. Bien conscientes que les frais de médiation sont susceptibles de décourager le consommateur à avoir recours à ce mécanisme, les institutions financières seront moins tentées de trouver avec leurs clients un règlement satisfaisant qui viserait à éviter l’escalade.
Les membres de l’industrie disposent également d’un avantage systémique dans de tels processus de règlement des conflits, du fait de leur expérience et de leur meilleure connaissance des dossiers et du processus. Il apparaît donc éminemment inéquitable d’imposer au consommateur le paiement de frais liés au recours d’un service de médiation d’un organisme gouvernemental.
Le retour des assurances de frais funéraires
Vu les problèmes et les abus que générait ce type de produit financier, le législateur a interdit, il y a 40 ans, la vente d’assurances de frais funéraires. Depuis, les préarrangements funéraires se sont développés au Québec et font l’objet d’un encadrement qui semble être satisfaisant et assurer une protection des consommateurs efficiente.
Le projet de loi veut permettre le retour de ce produit sur le marché, malgré les coûts et les risques qu’il présente pour le consommateur. L’assurance peut sembler à première vue avantageuse : de faibles mensualités apparaissent souvent plus attrayantes qu’un prix complet fixé à l’avance. Le prix fixe des contrats de préarrangements constitue pourtant un avantage : les services prévus au contrat doivent être rendus sans frais additionnel. Au contraire, si le prix des frais funéraires qui sont assurés fluctue dans le temps, l’écart de prix devra être payé au moment où les services seront rendus, la responsabilité du paiement revenant alors à la succession.
Autres risques inutiles
Si le souscripteur décède dans une période de moins de deux ans de la souscription de l’assurance, le service couvert ne sera pas assuré. Si un assuré désire mettre fin au contrat, il perdra les primes payées.
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Tout comme nos collègues des associations de consommateurs, nous croyons qu’il peut être important de moderniser l’encadrement du secteur financier, car il est évident que le contexte et les besoins ont pu changer depuis l’adoption des mesures existantes. Il est toutefois inacceptable qu’une telle mise à jour se fasse aux dépens de la protection des consommateurs. Or, c’est malheureusement ce que suggère le ministre des Finances avec le projet de loi 141, tel qu’il est présenté actuellement. Nous l’enjoignons donc à remettre sur le plan de travail ce projet de loi et à le réviser en gardant à l’esprit qu’une protection maximale du consommateur doit constituer une préoccupation prioritaire pour toute révision de ce secteur.
Nous appuyons par ailleurs la campagne Ensemble contre le projet de loi 141, qui recense plusieurs articles portant sur le projet de loi et invite à signer une pétition s’y opposant sur le site de l’Assemblée nationale du Québec.
Pour plus d’information :