Une charte des droits des internautes: Pour une perspective canadienne

En 2014, à l’occasion du 25e anniversaire du World Wide Web, Tim Berners-Lee, son inventeur, a lancé une idée qui a fait beaucoup jaser : l’élaboration d’une Magna Carta du Web, soit une adaptation à l’ère du numérique de la charte des droits de 1215. Une telle charte aurait pour but d’énoncer et de garantir les droits fondamentaux inaliénables des internautes, dont la protection et l’exercice en ligne sont essentiels au maintien d’une société libre et démocratique. Un tel document lui apparaissait dorénavant indispensable. Le Web est source de multiples bienfaits et avancées sociales, mais il génère aussi son lot de problèmes : fuites et marchandisation des données personnelles en ligne, diffusion massive de fausses nouvelles, consolidation du pouvoir économique démesuré des géants du Web (Google, Amazon, Facebook, Apple et autres), etc.

Et le Canada semble être du même avis. Le gouvernement fédéral a annoncé en mai 2019 la mise en place d’une Charte canadienne du numérique, un document qui, à ses dires, permettra de redonner confiance aux Canadiens envers la sphère numérique.

Dans le cadre de notre recherche, nous avons d’abord procédé à une analyse des divers débats sur l’élaboration de chartes des droits des internautes : comment et pourquoi mettre en œuvre de telles chartes, quels droits fondamentaux y inclure, etc.

Nous avons aussi procédé à une analyse de quatre initiatives de codification entreprises dans les dernières années à l’étranger, soit la Charter of Human rights and principles for the Internet (document de référence de l’Internet Governance Forum de l’ONU), la Déclaration Africaine des Droits et Libertés de l’Internet (document de référence de la société civile africaine), le Marco Civil da Internet (loi-cadre brésilienne) et la Dichiarazione dei dritti in Internet (déclaration italienne). Nous y avons identifié certains éléments récurrents (et nécessaires) à toute démarche du genre, notamment : la reconnaissance presque systématique de certains droits fondamentaux (accès à Internet, accès à l’information et à la connaissance en ligne, vie privée et protection des données personnelles en ligne, liberté d’expression sur Internet et neutralité du Net), et noté la procédure d’élaboration des documents, multipartite, inclusive et transparente.

C’est à la lumière de cette étude de la littérature et des initiatives étrangères que nous avons analysé la Charte du numérique nouvellement annoncée par le gouvernement fédéral. Malheureusement, le résultat est pour le moins insatisfaisant : le document ne répond à aucune des préoccupations identifiées dans la présente étude (soit celles des auteurs et celles des artisans des instruments adoptés ou discutés à l’international) et ne remplit en aucune façon les fonctions qui devraient être celles d’une charte.

Certains des principes qui s’y trouvent auraient pourtant mérité le statut de droits et une reconnaissance formelle à ce titre (l’accès à Internet, le contrôle accru des internautes sur leurs données personnelles en ligne), et certains autres, tout aussi importants, sont cruellement absents (aucune mention de la neutralité du Net ou encore de la gouvernance d’Internet). Le processus de consultation inadéquat explique peut-être ce résultat, tout comme la préoccupation avouée pour les intérêts économiques avec lesquels devrait, selon l’approche retenue, s’opérer un arbitrage.

Le travail reste donc à faire pour l’élaboration d’une véritable Charte des droits des internautes au Canada.

Tenue de véritables consultations destinées à obtenir l’adhésion du plus grand nombre, pour ne pas dire de tous, au document développé, prise en compte des initiatives de codification entreprises ces dernières années à l’étranger, tout en considérant les besoins particuliers des internautes canadiens, le cas échéant, et implication au sein d’organisations et/ou forums internationaux pertinents afin de travailler au développement de politiques internationales communes relativement aux différents droits des internautes : voilà les grandes recommandations qui concluent notre rapport.


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Une charte des droits des internautes: Pour une perspective canadienne
(Janvier 2020 – 103 pages)

Rapport final

Sommaire exécutif

A charter of rights for Internet users: For a Canadian perspective
(January 2020 – 94 pages)

Final report

Executive summary

Rapport de recherche réalisé par Union des consommateurs et présenté au Bureau de la consommation d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

Union des consommateurs a reçu du financement en vertu du Programme de contributions pour les organisations sans but lucratif de consommateurs et de bénévoles d’Industrie Canada. Les opinions exprimées dans ce rapport ne sont pas nécessairement celles d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada ou du gouvernement du Canada.